Coût de la Guerre en Irak
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15.11.04

Un éditorial de Frank Rich dans le New York Times, édifiant sur la véritable nature de la guerre culturelle aux US. A lire absolument.

L’histoire selon laquelle le pays a viré à droite à propos des thèmes culturels en 2004 me pose un seul problème. Comme beaucoup d’histoires qui trouvent preneur dans la pensée conventionnelle de nos médias, c’est de la fiction. En tous points, les derniers résultats électoraux pointent vers une inévitable réalité : malgré la défaite de John Kerry, c’est l’Amérique bleue, et non la rouge, qui est inexorablement en train de gagner la guerre culturelle, et ce haut la main. Les électeurs qui ont soutenu John Kerry et qui se flagellent depuis le 2 novembre avec une intensité digne de « La Passion du Christ » devraient se relever et sortir le champagne.

L’ascendance de la culture bleue est aussi nette chez les Républicains que chez les Démocrates.

Si quelqu’un se frotte les mains en cette année électorale, c’est bien le maître incontesté de l’élite culturelle rouge, Rupert Murdoch (PDG de News Corp., holding de Fox News, ndlr). Fox News est un centre de profit en pleine croissance au sein de la galaxie News Corp., et chaque dollar gagné dans les états rouges peut-être réinvesti dans le reste de la grille de programmes de Fox, en l’occurence très bleue. L’ écurie culturelle Murdoch comprend de récents titres comme « Comment Faire l’Amour Comme une Star du Porno » de Jemma Jameson et comme « Comment Avoir une Vie Sexuelle XXX » de Vivid Girls.

Un dernier sondage ABC fait deux semaines avant les élections montre que plus de républicains « apprécient beaucoup le sexe » que de démocrates. Le héro du camp démocrate, le sénateur-élu de l’Illinois Barack Obama (premier noir élu au Sénat, ndlr), fût assuré de la victoire quand son très ostentatoirement pieux adversaire, le républicain Jack Ryan, s’est retiré de la course plutôt que défendre son goût pour les sex clubs « avant-gardistes ».

Les 22 pourcents d’électeurs qui ont déclaré aux instituts de sondages que les « valeurs morales » étaient leur principal sujet électoral – 79% ont voté Bush – correspondent exactement, à quelque chose près, à la proportion d’électeurs qui se déclarent nés-à-nouveau (qui ont découvert leur foi, ndlr) ou Chrétiens évangéliques. Ils ont parfaitement le droit à leur culture, et à leur propres médias. Et à leurs propres scandales de show-business. Le Los Angeles Times rapporte dans un article paru cet été que Paul Crouch, l’évangéliste fondateur du réseau Chrétien Trinity Broadcast Network, a fortement nié les accusations d’un ancien employé qui affirmait avoir eu une relation homosexuelle avec lui – mais pas avant d’avoir versé, en guise de règlement à l’amiable, une somme de 450 000 dollars à cet employé.

Il est dans l’intérêt du Parti Républicain de courtiser cet électorat – un vote est un vote – mais soyez certains qu’un parti lié à la taille au patronat américain, M. Murdoch inclus, ne fera rien pour freiner la culture bleue tant décriée par ses électeurs. Comme Marshall Wittman, un ancien associé de John McCain (sénateur républicain très respecté à gauche comme à droite) l’écrivait avant les élections, « La seule chose que les conservateurs religieux obtiennent sont des votes symboliques sur des textes législatifs qui n’ont aucune chance de passage, comme l’amendement interdisant le mariage gay ».

A 78%, le vote « hors valeurs » est bien plus important, et les deux partis serviront les goûts bleus de cette majorité avant tout. Leur mandat est clair : le même sondage qui situait le vote de valeurs morales à 22% a trouvé que trois fois plus d’américains souhaitent l’existence d’un statut légal pour les couples gays, que se soit sous la forme d’une union civile (35%) ou du mariage (27%). Faites le calcul, et vous trouverez que les sondages montrent que malgré les efforts du Parti Républicain pour récupérer l’électorat juif, le nombre de d’électeurs républicains juifs en 2004, bien que supérieur à celui de 2000, était toujours inférieur de 200 000 à celui des électeurs républicains gays.

Quand Robert Novak écrit après l’élection que « l’agenda sociétal conservateur, anti-gay, anti-avortement a le vent en poupe, et que le Parti Républicain ne l’abandonnera pas de sitôt, » on se demande quelle drogue il consomme. L’abandon a déjà commencé lors de la convention républicaine. Sam Brownback, le sénateur du Kansas, champion de la droite religieuse, était écarté dans un rassemblement non couvert par les médias, à l’autre bout de la ville (New York, ndlr). Le prime time fût offert aux trois stars de l’ère politique républicaine post-Bush : Rudy Giuliani, John McCain, et Arnold Schwartzenegger. Tous les trois en faveur des droits gays et opposés à l’amendement interdisant le mariage homosexuel. Seul John McCAin s’affiche comme un pro-vie (contre l’avortement, ndlr), et n’a jamais fait de la lutte contre l’avortement un cheval de bataille. Quand la star n°1 des valeurs morales, Mel Gibson, condamne l’initiative soutenue par Schwartzenegger, de mettre au référendum l’expansion et le financement des programmes de recherches sur les cellules souches en Californie, le gouverneur et les électeurs l’écrasent comme une tapette (« girlie-man, expression favorite d’Arnold Schwartzenegger, ndlr). La mesure l’a remporté avec 59%, en phase avec les sondages nationaux.

Selon le bon sens washingtonien, les électeurs aux « valeurs morales » que le Parti Démocrate doit courtiser s’il veut revenir aux affaires, sont des gens comme Cary et Tara Leslie, archétypes du vote évangélique de l’Ohio pro-Bush mis en exergue par le Washington Post après l’élection. Les Leslie ne jurent que par les valeurs morales, soutiennent un amendement interdisant le mariage gay et regardent principalement Fox news. M. Leslie a également vu ses revenus chuter de 55 000 à 35 000 dollars par an depuis 2001, ce qui le place, lui et sa famille, dans les rangs de ce qu’il appelle les « travailleurs pauvres ». Peut-être que certains démocrates trouveront le moyen de le persuader d’ici 2008 qu’il serait moralement plus important de s’inquiéter du bien-être de sa famille plutôt que de se soucier d’une famille gay qu’il n’a jamais rencontrée.



Un très bon article sur la guerre des cultures de Brad Carson, candidat malheureux au siège de sénateur de l'Oklahoma, qui donne sa vision des raisons de la défaite électorale du 2 novembre. Pour lui la guerre des cultures est réelle:

Je ne me souviens pas quand exactement j’ai réalisé que ma campagne électorale pour le siège de sénateur des Etats-Unis était compromise, mais un évènement sort du lot. C’était à Sallisaw, en Oklahoma. C’était un dimanche matin, une semaine avant le 3e anniversaire des attaques du 11 septembre, et j’avais été invité par le révérend d’une église Baptiste locale pour débattre du sujet : « Comment Jésus voterait-il ? ». Mon adversaire politique, Tom Coburn, et moi-même avions été conviés à ce qui n’était rien de moins qu’un interview devant l’assemblée du révérend. Je passerais en premier, et Tom Coburn s’exprimerait le dimanche suivant.

A notre arrivée à l’église, ma femme et moi reçûmes le bulletin de l’église qui contenait la sélection des hymnes et autres passages de la Bible. Au6 m sur 6 projetée sur un écran blanc dominait l’assemblée. Sur cette image assez dérangeante, qui se métamorphosait pour montrer les différents étapes du fœtus, défilaient des chiffres et données sur les avortements aux Etats-Unis.

verso, au dessus de l’espace réservé aux notes pieuses, on pouvait lire le titre : « wwjv (what would jesus vote, ndlr) ? pro-vie ou pro-mort ? » (J’avais voté pour l’interdiction de l’avortement de naissance partielle, mais étais opposé à l’abrogation de Roe contre Wade [loi permettant l’avortement, ndlr]) A l’intérieur de l’église, une image de fœtus de

Lors de la cérémonie du matin, le révérend m’appela sur l’estrade, et nous nous engageâmes dans une longue discussion sur l’avortement, l’homosexualité, « les juges libéraux » (peut-être traduit par « juges gauchistes », ndlr), et sur d’autres sujets à controverses. Après avoir quitté l’estrade, je rejoignait l’assemblée, et c’est alors que le révérend se lança dans une critique des « terroristes pro-choix » (pour le droit à l’avortement, ndlr), qui étaient, selon lui, plus dangereux qu’Al Queda. Certes, les terroristes du 11 septembre avaient tué des milliers de personnes, concéda-t-il, mais des millions de bébés étaient tués lors d’avortements. Ceci constitue un holocauste, continua-t-il, et nous devons tous voter justement (aux yeux de Dieu, ndlr). Voter justement ! Durant les 13 mois de campagne électorale à travers l’Oklahoma, j’ai du entendre ou voir cette phrase des milliers de fois, souvent sur les devantures d’églises […] Mais c’est seulement en ce dimanche de septembre, à Sallisaw, l’une des villes les plus démocrates de l’Oklahoma, que j’ai compris que la phrase apparemment inoffensive « Votez justement » n’était pas seulement le slogan d’une poignée d’église politisées, mais le cri de cœur (en français dans le texte, ndlr) de millions de personnes – des personnes qui pensent avec ferveur que les valeurs auxquelles elles croient le plus profondément sont assaillies et que cette assaut est toléré, voire mené, par le Parti Démocrate.

En tant que candidat malheureux au Sénat, beaucoup me demandent mon avis sur l’incapacité du Parti Démocrate à comprendre les électeurs culturellement conservateurs. On a déjà beaucoup écrit à ce sujet, et les chercheurs en écriront encore plus. Mais je peux dire ceci : la guerre des cultures est réelle, et il s’agit d’un conflit ne concernant non pas telle politique ou tel texte législatif, mais concernant la modernité en elle-même. Interdire le mariage gay ou l’avortement ne suffira pas combler le gouffre culturel qui divise cette nation. La guerre des cultures en appelle à des éléments bien plus fondamentaux : la nationalité, dans un monde globalisé, est-elle un simple fait sans plus de sens que l’hôpital où l’on naît, ou est-elle source d’identité ou même de légitimité politique ? L’individualité est-elle un choix ou est-elle prédéterminée par la famille ? Un individu est-il simplement – un tas d’atomes – ou fait-il parti d’un d’une longue chaîne qui le précède et qui lui survivra ? Les notions telles que l’honneur ou la honte, qui semblent si passées, sont-elles toujours importantes dans un monde qui ne valorise que la tolérance ? Ces questions concernent les philosophes et non les hommes politiques, et au final, c’est la défaite de la philosophie libérale (au sens américain : de gauche, ndlr) que nous avons pu voir le 2 novembre.

Pour la grande majorité des Oklahomiens – et, j’imagine, la plupart des électeurs des états rouges – ces inquiétudes culturelles transcendent les autres questions et ont plus d’importance à leurs yeux que la couverture maladie, que la question de l’augmentation du salaire minimum, ou que les subventions agricoles. Les électeurs ne sont pas trompés ou ignorants. Ils rejettent simplement l’idée selon laquelle les sujets matériels sont plus vrais que les questions d’ordre spirituel ou culturel. La gauche a toujours eu du mal à comprendre ce fait, et a toujours préféré croire que les masses sont fascinées par des fausses idées ou par Fox News ou par quelque autre fausse excuse. Mais la vérité est plus simple : la grande majorité des électeurs de l’Oklahoma – et je prends le risque de dire de la plupart des états du Sud et du Midwest – rejettent l’orientation prise par la culture Américaine, et acclament le parti politique qui promet de la changer ou de la revoir.

1 Comments:

At 14 décembre 2009 à 20:16, Anonymous Anonyme said...

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